MUR DE MEMOIRE

dédié au Groupe Franc "Petit-Louis" et à son Chef Louis Clavel

 

A l'initiative de notre Association, un Mur de Mémoire dédié au Groupe Franc "Petit-Louis" et à son Chef
Louis Clavel a été réalisé et installé de part et d'autre de la stèle située au Versoud route départementale 523 stèle où sont gravés les noms de Paul Chrétien, Eloi Kopiski (Aloyzi Kospicki) et René Brun, tous trois Résistants du Groupe Franc "Petit-Louis", tous trois morts pour la France.

 

L'inauguration de ce Mur de Mémoire eut lieu le 9 juin 2024 pour les 80 ans jour pour jour de la mort de
Paul Chrétien, lors d'une cérémonie conduite par Mireille Clavel, Vice-présidente de notre Association et nièce de Louis Clavel, en présence de Christophe Suszylo Maire du Versoud, d'Henri Baile, Président de la Communauté de Communes Le Grésivaudan,  d'Elus du Grésivaudan, de Représentants d'Associations et de familles de Résistants.

 

La cérémonie débuta par la lettre de la Présidence de la République Française adressée à Anne-Marie Lamy, nièce de Louis Clavel, et lue par cette dernière devant une assistance recueillie.

 

Christophe Suszylo et Henri Baile prirent la parole tour à tour et Mireille Clavel, lors de son allocution, les remercia chaleureusement  pour leur soutien et leur engagement total dans la réalisation de ce Mur de Mémoire.

 

Elle remercia également Damien Thomas, Directeur de l'Entreprise G'Pub de Lumbin et toute son équipe qui a effectué avec une attention particulière et mis en place les deux panneaux du Mur de Mémoire, en tenant les délais et les devis.

 

Voici avec quelques photos prises à la volée la lettre de la Présidence de la République Française et les allocutions prononcées ce 9 juin 2024 au Versoud, devant le Mur de Mémoire.

 

 

Lettre de la Présidence de la République Française

 

 

 

 

Allocution de Mireille Clavel
Vice-présidente de l'ANAMG
fille de Paul Clavel du Groupe Franc "Petit-Louis"
nièce de Louis Clavel Chef du Groupe Franc "Petit-Louis"

 

Nous allons dans quelques instants dévoiler ces deux panneaux qui constituent le Mur de Mémoire dédié au Groupe Franc "Petit-Louis" dont le Chef était mon oncle Louis Clavel.

 

Mais, avant de commencer cette cérémonie, ma petite soeur Anne Marie Lamy, tient à prendre la parole pour un communiqué important dont j'ignore la teneur.

 

Lecture de la lettre du Chef de Cabinet du Président de la République

 

Vous comprendrez l'émotion qui m'étreint ...

 

J'ai aujourd'hui atteint un but qui me tenait tellement à coeur et je remercie chaleureusement  Monsieur Christophe Suszylo, Maire du Versoud, qui a immédiatement adhéré au projet et aplani toutes les difficultés administratives et financières, Monsieur Henry Baile, Président de la Communauté de Communes Le Grésivaudan, pour son engagement à nos côtés et l'Assemblée Générale de l'Association Nationale des Anciens des Maquis du Grésivaudan pour m'avoir suivie à l'unanimité.

 

Très modeste, mon oncle, n'aurait pas aimé qu'on le distingue trop de ses "frères d'armes" et ce Mur de Mémoire est dédié à tous les Résistants de son Groupe mais la noblesse de son caractère épris de justice et de liberté et son esprit d'initiative le destinaient au rôle de "Chef". Dans la clandestinité, ces qualités-là faisaient la différence et quand le Commandant Nal accordait sa confiance c'était sans retour, jusqu'à la fin de sa vie Nal est resté très proche de ce "Petit-Louis" dévoué et fidèle. Entre ces deux hommes hors du commun passait un courant magique de compréhension.

 

Dans la nuit du 24 au 25 mai 1943, avant de rejoindre Combat et le Commandant Nal, mon oncle a fait sauté l'Hôtel Gambetta de Grenoble, quartier général des troupes italiennes. C'est la première fois que la Résistance se faisait entendre dans la capitale des Alpes.

 

Grièvement blessé en juillet 1944, il  ne connut pas la joie de participer à la Libération du Grésivaudan.

Il reçut, ici même,  la Légion d'Honneur en 1989, plus de 40 ans après la Victoire et deux ans avant sa mort, une reconnaissance bien tardive qu'il dédia à tous ses compagnons.

 

Permettez-moi d'évoquer aussi mon père Paul Clavel, qui appartenait au Groupe Franc "Petit-Louis" de son frère, ils étaient inséparables et papa fut présent dans toutes les actions entreprises contre l'ennemi.

 

De notre famille également, Marceau André, qui avait épousé leur soeur Denise Clavel, participait comme Louis à la Bataille de Narvik en Norvège en Mai 1940. Moins chanceux et fait prisonnier de guerre par les Allemands il ne retrouva les siens que cinq ans plus tard.

 

Aujourd'hui, accompagnés de leurs parents les enfants et petits enfants de notre famille sont présents et cela accroît un peu plus encore mon émotion.

 

 

Après la défaite de 1940 et "face à l'absence de toute alternative, la Résistance vient rappeler aux femmes et aux hommes la légitimité du refus et la liberté de penser et d'agir".

Progressivement, la Résistance a vu surgir de l'ombre des volontaires issus de milieux sociaux bien différents. Dans ce front du refus où le courage compensait le petit nombre, il y eut les "groupes francs", ces commandos de l'impossible.

 

Il y a 80 ans, le 6 juin 1944 à l'aube les Alliés brisent le mur de l'Atlantique ... les premiers commandos aéroportés sont parachutés sur le Cotentin ... c'est le débarquement.

 

Pour les combattants de l'ombre c'est le moment d'apparaître au grand jour et de s'engager à fond, l'activité du Groupe Franc "Petit- Louis" est alors considérable  et les Allemands qui se replient sont de plus en plus fébriles face aux attaques répétées de la Résistance et à l'arrivée des forces américaines ... il n'en sont que plus dangereux et l'ordre leur est donné d'intercepter tous les véhicules.

 

Le 9 juin 1944 sera le premier jour de deuil pour le Groupe Franc "Petit-Louis" avec la mort de Paul Chrétien, tombé ici même il y a 80 ans jour pour jour, il était l'un des premiers à avoir intégré le Groupe Franc
"Petit-Louis" avec René Brun, Ernest Gervasoni et Paul Clavel.

 

Sur cette stèle, devenue le symbole du Groupe Franc "Petit-Louis" sont gravés, près de son nom, celui de ses "frères d'armes" :

 

- Aloyzi Kospicky, Eloi, un "malgré nous" polonais. Très vite il déserte l'armée Allemande qui est à Grenoble depuis septembre 1943 et rejoint le Commandant Nal. Seul il fait sauter la caserne de Bonne le
2 décembre 1943.

 

Après ce coup d'éclat, il rejoint le Groupe Franc "Petit-Louis" et meurt dans une embuscade entre Domène et le Versoud le 20 août 1944.

 

- René Brun alias "Josèph", est arrêté le 11 juillet 1944 au Versoud, son village natal, au retour de l'attaque du fort du Murier. Torturé sur place par la milice, puis par la Gestapo à Grenoble, il ne parlera jamais. Ce sont ensuite les camps de concentration Struthof, Dachau, Mathaüsen et Ebensée dont il revient en 1945, très diminué mais vivant. Son nom fut ajouté sur la stèle par ses "frères d'armes" après son décès le 14 décembre 1957.

 

Pour mon père, si son ami René Brun avait parlé sous la torture, tout le groupe aurait été arrêté et s'en serait suivi des conséquences dramatiques pour toute la Résistance iséroise.

 

Rendons ici hommage au courage hors norme de René Brun qui, à la demande de son neveu Bernard Perrin, a été reconnu "Mort pour la France" des suites de sa déportation.

 

Au matin du 9 juin 1944 rien ne laisse présager la mort de Paul Chrétien qui ne doit pas prendre part ce jour là à une opération de récupération d'armes au Fort du Mûrier et c'est en remontant vers Carrières à la Combe de Lancey qu'il croise ses amis et se joint à eux.

Il monte dans la camionnette conduite par Louis Clavel et dans laquelle se trouvent Paul Clavel et Marcel Magnificat.

 

A la sortie du Versoud, Louis Clavel voit arriver un camion d'Allemands, la fuite n'est pas possible et il ordonne à son frère et à Paul Chrétien de se coucher sur le plancher de la camionnette. Arrivés à hauteur de l'ennemi, on leur crie : "Halt ! Papiere, papiere" Paul Chrétien, par un réflexe inattendu se lève en criant "Quoi ? Qu'est-ce que c'est ?".

Il ne peut rien dire de plus, les Allemands qui se trouvent debout dans leur camion lui tirent dessus à bout portant le touchant mortellement. Il tombe sur Paul Clavel avec une immense blessure au ventre.

 

Dans sa fuite, la camionnette des Résistants s'écrase contre un poteau télégraphique.  Paul Clavel et Paul Chrétien sont projetés dans un champ entre des piquets de vigne. Louis Clavel et Marcel Magnificat, peuvent s'extraire de la cabine. Sur ordre de Louis Clavel, tous rejoignent les bois sous le feu continu allemand
Paul Clavel soutenant Marcel Magnificat qui souffre énormément car il a l'épaule droite fracassée.

Louis Clavel essaye d'emmener Paul Chrétien, sans succès. Le Résistant succombe dans les bras de son camarade qui est contraint de l'abandonner.

Le dimanche 11 juin 1944 tout le groupe et une partie de la population du Versoud enterre le jeune résistant "Mort pour la France" et pour notre Liberté ... il avait 30 ans.

Le Versoud est devenu le symbole du Groupe Franc "Petit-Louis" ces hommes qui avec courage et abnégation ont engagé sous les ordres du Commandant Nal et du Capitaine Requet des actions invraisemblables dans la vallée du Grésivaudan et sur la capitale des Alpes. Ils étaient de tous les coups et c'était leur devoir :

 

- La destruction du parc d'artillerie

- La destruction de la caserne De Bonne

- L'attaque de la Prison Saint Joseph

- L'enlèvement des fichiers de ravitaillement

- La destruction de postes radio allemands destinés au front de l'Est

- La prise du fort du Murier

- de multiples destructions de ponts et transformateurs et des sabotages d'usines travaillant pour l'ennemi.

 

Ces actes furent mis en évidence par le Général De Gaulle lorsqu'il fit remettre à la Ville de Grenoble la Croix des Compagnons de la Libération.

 

Mais leur mission ne s'arrêtait pas là. Ils devaient encore pourchasser les traîtres, les collaborateurs et aussi assurer le ravitaillement en vivre, habillement, véhicules, carburant et armement des maquis qui se constituaient dans les montagnes.

Nous avons pu regrouper quelques noms des Résistants ayant appartenu au Groupe Franc Petit Louis :

 

Roger Ackret

Paul Blanc

Georges Bouillon

René Brun

Robert Christin

Paul Chrétien

Louis Clavel

Paul Clavel

Ernest Gervasoni

André Gonthier

Léon Gradinski

Charles Granier

Christiane Hocquelou

Joseph Jourdan

Eloi Kopiski

Fernand Landeler

Marcel Lecchi

Marcel Magnificat

Maurice Mitaine

Jean Roux

Marcel Stupengo

Roger Teppet

 

Dans nos coeurs, le souvenir de tous ces héros n'a pas pris une ride, l'hommage d'aujourd'hui est rendu à leur parcours exemplaire et redonne vie à leur combat.

 

Nous ne pouvons parler du Versoud sans citer les noms de  Lucien Jay, le Maire de l'époque, et Albert Vérini dit Chinois, deux hommes qui ont fait preuve d'un soutien sans faille auprès des Résistants.

 

Derrière eux, toute une population de la vallée et de la montagne, commerçants, artisans et paysans, médecins et infirmiers se sont dévoués au péril de leur vie et de celle de leur famille, ils ont su, pendant de longs mois, soutenir et protéger nos Résistants dans le silence et ils ont droit à notre fidèle reconnaissance.

 

Les valeurs humanistes qui inspirèrent le combat de la Résistance, s’inscrivent dans le devoir de mémoire à l’égard de celles et ceux qui ont combattu, et qui victimes de la répression et du régime félon, dit de l’Etat Français, souvent sont tombés pour libérer le Pays de l'envahisseur, pourchassés, torturés, fusillés,  massacrés, déportés dans les camps de concentration.

 

A l'heure où la guerre est aux portes de l'Europe, à l'heure où l'Ukraine se bat toujours pour sa Liberté  il convient de rappeler à tous ceux qui auraient tendance à l'oublier que rien n'est jamais acquis et que ce devoir de mémoire est plus que jamais l'affaire de tous ... n'oublions jamais que les nazis sont arrivés légalement au pouvoir en 1933.

J'appelle pour dévoiler ce Mur de Mémoire

 

Paul Clavel, fils de Louis Clavel

 

Thierry Sayettat, petit-fils de Louis Clavel, représentant Jocelyne Sayettat, fille de Louis Clavel qui à son grand regret ne peut être présente aujourd'hui

 

Catherine Serclerat, petite-fille de Louis Clavel, représentant  Denise Serclerat, décédée, fille de Louis Clavel

 

 

Chant des Partisans en hommage au Groupe Franc "Petit-Louis", en hommage et à la mémoire de tous
les combattants de l'ombre, tous ceux qui ont sacrifié leur jeunesse, leur avenir et leur vie pour notre liberté
ils étaient la Résistance, ils demeurent à jamais la France.

 

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Jusqu'au 6 juillet 2024, l'exposition de l'Association l'Ombre de l'Histoire de La Pierre consacrée au Groupe Franc Petit-Louis est à la médiathèque du Versoud où elle peut être vue aux heures d'ouverture de cette dernière.

 

Je remercie une fois encore la municipalité du Versoud et la Communauté de Commune Le Grésivaudan pour leur engagement total à nos côtés, mes remerciements vont également au Conseil Départemental et aux élus des communes qui soutiennent notre Association.

 

Je remercie Damien Thomas, Directeur de l'Entreprise Gpub de Lumbin et toute son équipe, secrétaire, infographes et ouvriers, entreprise qui a effectué avec une attention particulière et mis en place les deux panneaux du Mur de Mémoire, en tenant les délais et les devis malgré quelques exigences de ma part.

 

Je remercie la Marbrerie du Grésivaudan de La Terrasse qui a restauré la stèle de Paul Chrétien.

 

Merci à vous tous, à celles et ceux qui, venus de loin, ont dû s'organiser pour être présents sans faillir à leur devoir de citoyen en ce jour important, si important d' Elections Européennes.

 

Enfin je remercie les porte-drapeaux pour leur indéfectible fidélité et  avant de nous retrouver pour le verre de l'amitié j'invite les autorités à venir les saluer.

 

9 juin 2024 - Le Versoud

 

 

Allocution de Christophe Suszylo

Maire du Versoud

Vice-Président du département de L’Isère

En juin 1940, la France est gravement blessée. Elle vient de subir ce qui est sans doute l’une des pires défaites de son histoire.

Du 10 mai au 25 juin 1940, 92 000 soldats français sont morts dans la campagne de France. Ces pertes sont du même ordre que celles connues pendant la première guerre mondiale. 1 900 chars perdus, près de 1000 avions hors de combat …

Rappelons-le, en 1940, la France ne s’est pas laissée conquérir sans résister. Valeureux mais sous entrainés, courageux mais mal approvisionnés, victimes de décennies de sous-investissement, les soldats français doivent battre en retraite. Ils paient le prix de tant de renoncement, d’erreurs stratégiques.

Les troupes alliées sont encerclées à Dunkerque, l'armée professionnelle britannique est sauvée par le sacrifice de quelques dizaines de milliers de français, qui retiennent les allemands.

C’est un échec militaire, oui mais surtout, et pire encore, une déroute des élites du Pays.

Ils pensaient possible d’accepter des désordres pour éviter la guerre,

Ils pensaient que refuser de préparer la guerre était l’assurance de la paix,

L’occupation n’est pas qu’une défaite militaire, elle est surtout le rappel que la défection des grands, provoque le pire.

Dans cette brume épaisse qui couvrit le pays durant ces sombres années, des visages illuminent encore notre présent.

Je pense à celui de Paul Chrétien.

Nous célébrons aujourd’hui le 80ème anniversaire de sa mort.

Tué le 9 juin 1944 vers 19 heures lors d’un accrochage avec des soldats allemands sur la commune du Versoud (Isère).

Il est mort les armes à la main, contre l’occupant. Mort pour la France.

Et pourtant,

Il était boulanger Paul Chrétien. Ce n’était pas un militaire. Il ne se destinait pas aux armes.

Il mesurait bien tout le risque pour lui, et pour ses proches, lorsqu’il s’engagea dans la Résistance en 1943.

Paul Chrétien a représenté la France. Il l’a représenté mieux que ceux qui avaient en charge de grandes responsabilités.

Face à l'occupant, il a refusé de plier, de céder à la peur. Son exemple doit être une lumière d'espoir, une démonstration de courage.

Aujourd'hui, nous sommes réunis pour lui rendre hommage, rendre hommage à Réné Brun, Aloysi Kospicky en inaugurant un mur de mémoire dédié au groupe Franc « Petit-Louis », à ces hommes qui ont voulu vivre debout.

Vivre libre ou mourir !

Ils incarnent cette devise de la révolution française. Ils acceptaient l’idée que la mort n’était pas le pire des maux.

Nous nous engageons ici à ne jamais oublier leur sacrifice.

Mais ce serait un hommage bien insuffisant s’il devait se limiter à évoquer le passé.

Leur exemple doit éclairer notre responsabilité. Celle que chacune et chacun d’entre nous avons reçu en héritage de leur sacrifice.

Notre liberté chèrement acquise et courageusement défendue est fragile. Elle est mortelle. Elle n’existe tant que nous y croyons et aussi longtemps que nous sommes prêts à nous battre pour la conserver.

C’est l’exemple que Paul Chrétien Réné Brun et Aloysi Kospicky, nous ont donné notamment.

En inaugurant ce mur de mémoire, nous nous engageons à préserver leur héritage,

À faire connaitre leur histoire, celle du groupe franc « petit Louis », dirigé par Louis Clavel et qui a beaucoup œuvré dans la vallée du Grésivaudan.

Voilà ce que le commandant Nal disait d’eux : "Les Groupes Francs ont été l'âme de la Résistance. Ils furent et resteront toujours l'un des plus beaux fleurons de la Résistance Française ceux-là mêmes dont les exploits ont fait trembler l'ennemi et les traîtres à sa solde. C'était une sélection parmi les braves. Lorsque l'action du Maquis se joignit à la leur en juin 1944, la lutte était perdue pour le nazisme"

Année après année nous nous retrouverons ici, 

Pour parler aux plus jeunes, car à eux reviendra bientôt cette charge de perpétuer la mémoire, de reprendre le flambeau pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne.

Pour nous rappeler que la vie et la mort de ces hommes nous transmettent l’éminent devoir d’être à la hauteur, à la hauteur du passé et à la hauteur des défis d’aujourd’hui.

Je vous remercie

 

 

 

 

Allocution d'Henri Baile

Maire de Saint Ismier

Président de la Communauté de Communes Le Grésivaudan

9 juin 2024 Le Versoud

L'année 2024, en Grésivaudan, comme au niveau national, est une année importante pour la transmission d'une mémoire que nous avons le devoir de relayer par respect pour ceux qui ont combattu l'hydre nazie, mais aussi pour éclairer l'avenir et instruire les nouvelles générations nées dans une Europe en paix, insouciante et prospère.

Le 7 avril dernier, après s'être rendu à la maison d'lzieu où 44 enfants juifs et 7 éducateurs furent déportés sur l'ordre de Klaus BARBIE, responsable de la Gestapo de Lyon, le Président de la république rendait ensuite hommage au maquis des Glières, au pied « du grand oiseau blanc » d’Emile Giglioli.

Ce grand oiseau blanc aux ailes déployées, qui découpent le ciel, l'une symbolisant l'espoir, l'autre, brisée, rappelant les sacrifices.

Quelques jours plus tard il se recueillait à la nécropole nationale de Vassieux et rendait hommage à ce village martyr du plateau du Vercors.

Cette année 2024 marque en effet le quatre-vingtième anniversaire du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, et le début de la Libération de la France.

Cependant, ce parcours mémoriel, ces commémorations et Ieurs discours convenus ne doivent pas nous faire oublier que l'année 1944 était encore, pour tous les Français, une année de guerre.

Une année 1944 qui a charrié son lot d'horreurs et de victimes:

Les morts civiles sous les bombardements alliés.

Les dizaines de milliers de combattants tombés sous le feu.

Les victimes des épouvantables massacres commis par une Wehrmacht en déroute.

La chasse effrénée d'une gestapo à la recherche des Résistants

Les derniers convois de déportés partant vers la mort.

Si dans notre Région le plateau du Vercors a eu son lot de martyrs, le Grésivaudan n'a pas été épargné, en témoignent les nombreuses plaques et monuments qui jalonnent nos chemins, nos routes ou nos villages et qui affichent les noms de ceux qui sont morts pour que nous vivions libres.

L'épouvante qui s'est alors répandue sur les villes et villages du Grésivaudan nous dicte aujourd'hui un autre devoir que celui de rendre hommage aux victimes et de pleurer

sur elles.

Alors que l'espoir refleurissait avec l'annonce de la libération de la Corse à l'automne 1943, la traque des Résistants s'intensifiait. La traque de ceux qui n'ont pas hésité à vivre jusqu'à l'extrême Ieur amour pour la patrie en entrant en Résistance contre les nazis. Le courage et l'espoir de vaincre ne les ont jamais quittés, même dans les situations les plus dures et les plus inhumaines.

C'est ainsi que fin 1943, Louis CLAVEL, dit « Petit Louis », recherché par la gestapo quitte Grenoble pour se réfugier dans le Grésivaudan et forme en 1944 le groupe franc

qui accomplira de nombreux sabotages dans la vallée.

Ce 9 juin 2024, veille du triste anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane, est donc pour nous l'occasion de rendre l'hommage à ceux qui, quelle que soit leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques, se sont battus et ont souffert pour que renaisse la justice, la liberté et la démocratie dans notre pays. La déportation de tous ceux qui furent exécutés dans les camps d'extermination, après avoir été traqués.

Le doyen René GOSSE retrouvé au petit matin, à Saint-lsmier, au bord de la route avec son fils, tous deux assassinés, après avoir été dénoncés.

La mort de Paul Henri CHRETIEN, mort au combat le9 juin 1944, illustrent tragiquement que notre Histoire est ce qu'elle est, avec ses zones d'ombre, ses grandeurs et ses hontes.

C'est pourquoi, redonner de l'humanité, en nommant, toutes celles et tous ceux que la barbarie a voulu faire disparaître à jamais, est un acte politique qui donne un sens profond à l'expression « Devoir de mémoire ». Malheureusement je crains que quatre-vingt ans après leur sacrifice, la notion de devoir s'estompe dans l'esprit de nos contemporains. Je crains surtout que la mémoire soit partout et la politique nulle part. Je crains que la mémoire soit instrumentalisée et détournée pour devenir une politique de communication qui se substitue à l'urgence de défendre nos institutions et nos valeurs dans un présent frappé d'amnésie et submergé par une vague nihiliste. 'est pourquoi l'inauguration aujourd'hui, d'un « Mur de mémoire » dédié au Groupe Franc « Petit Louis » et la commémoration de la mort de Paul CHRETIEN sont d'abord un acte politique.

Un acte politique fondamental qui doit nous rappeler que la liberté n'est pas une rente, mais un combat et que le vrai choix est entre la complaisance et le renoncement ou l'engagement à la défendre. Défendre la liberté, c'est apprendre à nos enfants qu'ils doivent rester maîtres de Ieur destin. Qu'il Ieur appartient de décider de ce que sera Ieur vie et que la vie pour un être humain n'est pas une simple donnée biologique, mais un art très personnel que nul ne doit se Iaisser voler.

Et qu'être véritablement humain, c'est choisir la compassion pour les autres, mais la liberté pour soi-meme. C'est ainsi que, dans le respect et la concorde, se construit une nation. Ensuite, « Le désir de vivre ensemble, la volonté de faire valoir l'héritage qu'on a reçuindivis » Pour faire nation, ajoutait-il, il faut donc que « tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses ».

La formule s'applique parfaitement à la France des années 1940-1945, car si certains

avaient beaucoup de choses en commun, d'autres avaient bien des choses à oublier, particulièrement ceux qui par conviction ou opportunisme avaient basculé du mauvais côté de l'Histoire...

C'est pourquoi, dans les années qui suivirent immédiatement la Libération, le général De Gaulle fit tout pour glorifier la Résistance et minimiser ceux qu'il qualifiait d'une « poignée de misérables » afin d'éviter une guerre civile et ressouder la nation pour mieux la reconstruire après tant d'épreuves. Mais la formule d'Ernest RENAND qui valait en 1945 n'a pas du tout perdu de son actualité, et elle requiert aujourd'hui toute notre attention et notre vigilance, car notre République perd du terrain face à des idéologies qui savent exploiter la bigoterie d'une jeunesse en mal d'identité.

Une jeunesse qui parfois subit un contrôle social communautaire pour suivre « un droit chemin » qui n'est pas celui d'une république laïque qui respecte les croyances, la vie privée et la conscience de chacun.

II ne suffit pas de nier la guerre pour croire que nous n'aurons jamais plus à l'affronter, car il y a des guerres qui ne disent pas leur nom. II y a des formes de guerres larvées et insidieuses qui peuvent être destructrices de toute idée de nation.

La France a choisi d'être une république sociale, c'est dans notre ADN, c'est dans notre Constitution.

Il est souhaitable et heureux que la solidarité entre les membres de notre collectivité soit au cœur de notre projet démocratique. Pour autant, cela n'implique pas le désarmement moral, et il y a des guerres qu'il faut savoir livrer pour faire respecter nos valeurs républicaines et ne pas perdre notre âme. Face à de lâches euphémismes pour désigner des réalités criantes qui sont souvent des provocations orchestrées, voire une insulte à la concorde républicaine, il faut savoir écouter Elisabeth BADINTER, cette grande voix du féminisme universaliste lorsqu'elle aborde les questions de société. Il faut savoir l'écouter lorsqu'elle dénonce les dérives du néo-féminisme, du wokisme, de l'échec de l'intégration, de la montée d'un antisémitisme décomplexé orchestré par des partis politiques qui instrumentalisent les événements internationaux à des fins électoralistes. Il faut savoir l'écouter face aux difficultés que nous avons à transmettre nos valeurs démocratiques, laïques, républicaines. Il faut savoir l'écouter lorsqu'elle parle de ces jeunes femmes françaises, issues de l'immigration, assignées à Ieur culture, à Ieur identité religieuse supposée, au lieu de pouvoir jouir de l'émancipation dans notre République, dans leur République. Nous avons trop souvent oublié le tragique de l'Histoire, souvent par insouciance, parfois par démagogie et pour certains, que je ne nommerai pas, par arrières pensées électoralistes. Avec une forme d'arrogance qui est devenue une fragilité, nous avons imaginé que nous n'aurions plus d'ennemis. Nous étions sûrs que nos valeurs morales déniaient à elles seules toute forme de légitimité à toute forme de guerre, fut elle sournoise. C'était un aveuglement. L'actualité nous le rappelle quotidiennement. Si nous voulons continuer à faire nation, il nous faut relire et méditer la formule de Ernest RENAND qui nous rappelle que pour faire nation, il faut que: « Tous les individus aient beaucoup de chose en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses »

Mais il faut aussi savoir écouter Elisabeth BADINTER, lorsqu'elle nous parle des grandes questions de société, pour réarmer les esprits et réveiller les consciences, afin de ne jamais trahir ceux qui sont morts pour notre République laïque et ces trois mots de LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE qui accompagnent les trois couleurs de notre drapeau.

C'est, je crois, ce que nous enseigne le Mur de Mémoire » dédié au Groupe Franc « Petit Louis » et la commémoration du 80ème anniversaire de la mort de Paul CHRETIEN.

Je vous remercie pour votre attention.

Henri BAILE

Mireille ClavelMireille Clavel et Anne-Marie Lamy nièces de Petit-LouisMireille Clavel et Anne-Marie Lamy nièces de Petit-LouisChristophe Suszylo Maire du VersoudM. Christophe SuszyloHenri Baile Président de la Communauté de Communes Le GrésivaudanM. Henri BailePaul Clavel fils de Petit Louis et Thierry Sayettat petit fils de Petit Louis s'apprêtent à dévoiler le Mur de MémoireMireille ClavelDanielle Perrin, Fabrice Perrin et Robert Etienne - famille de René BrunAutour de Christophe Suszylo Maire du Versoud Paul Clavel Fils de Petit-Louis et Mireille Clavel nièce de Petit-Louis